Challenge #3 : Après vous Madame

 

9782264060532Pour le thème du mois de mars, j’ai choisi de lire Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka  que Cocolanoix m’a si gentiment prêté. Ce petit roman au point de vue si particulier m’a beaucoup touchée et j’ai bien failli finir par pleurer plusieurs fois.

Je ne pourrai vous parler ni de personnage, ni d’intrigue au sens propre du terme parce qu’il n’y en a pas vraiment. L’auteur a fait le parti pris d’écrire le récit à la première personne du pluriel. C’est donc une voix commune qui s’adresse au lecteur, l’emportant dans un tourbillon de témoignages et d’émotion. Le récit est aussi ponctué de pensées individuelles des différentes femmes ; cela coupe la voix multiple et donne un rythme que j’ai personnellement apprécié. Je sais que ce n’est pas le cas de tout le monde et que ça peut déranger, néanmoins, pour ma part, cela a juste aider à augmenter l’émotion que je ressentais lors de certains passages.

Ce que j’ai particulièrement apprécié aussi c’est le fait que Julie Otsuka aborde un sujet qui n’est pas forcément connu de tous, le rapport entre les immigrés japonais – ainsi que les américains d’origine japonaise bien entendu – et les autres citoyens aux Etats-Unis. Elle y expose plusieurs sujets très importants et assez dur comme le viol conjugal, le racisme ainsi que la déportation des gens d’origine japonaise faite par les Etats-Unis lors de la Seconde Guerre Mondiale. Il en ressort alors un rapport assez étrange entre « les japonais » et « les américains » que j’ai trouvé intéressant et nuancé. On découvre un racisme qui est beaucoup plus « ordinaire » que « violent » : ainsi un certain attachement semble se former mais il est basé sur des préjugés ainsi que sur leur capacité à travailler. Cette espèce d’attachement reste dans une relation de domination. De plus, ce n’est que des mois plus tard que les habitants commencent à s’interroger sur le lieu de déportation des « japonais » ; pour finalement finir par les oublier et remplacer la main-d’œuvre que ces derniers ont laissés vacant.

De plus, dans ce livre on ressent très bien la méfiance envers les « japonais » par les autres citoyens ; mais aussi, celle des « japonais » envers eux-mêmes. Un des points forts de ce roman est en effet le fait que le lecteur perçoit très bien chacune des émotions et leur nuance transmise par le texte.

C’est aussi l’intimité des familles et d’une communauté que dépeint Otsuka à travers son œuvre. On assiste alors à un kaléidoscope d’expériences et de moments de vie, parfois très durs et tristes, mais aussi remplis de bonheur et d’amour.

J’ai donc beaucoup apprécié ce petit livre qui m’a donné envie de me renseigner un peu plus sur les déportations aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre Mondiale, qui n’est pas facilement abordé.

L&C

Un témoignage, un peu d’égoïsme et beaucoup d’enfance

Ecrits d’après les histoires vraies d’Esther A., Les Cahiers d’Esther nous plongent dans le quotidien d’une fille de 10 ans qui nous parle de son école, ses amis, sa famille, ses idoles.
Que sont Tal, Kendji Girac ou bien les têtes brûlées ? Quels sont les critères de beauté que doivent avoir les garçons et les filles pour être populaires ? Comment fait-on quand on a des copines plus riches que soi ? Qu’est-ce que le petit pont massacreur ? Comment les attentats du 7 janvier ont-ils été vécus dans la classe d’Esther ? Comment faire quand on a peur d’avoir des gros seins ?

J’avais déjà pu apprécier le travail de Riad Sattouf avec Les Pauvres Aventures de Jérémie. C’est donc avec enthousiasme que je me suis plongée dans la vie de la petite Esther âgée de neuf ans. Et j’ai vraiment aimé! On redécouvre l’enfance au fil des expériences de la petite fille. A chaque page, une nouvelle mésaventure qui rythme l’enfance est racontée par Esther elle-même. Elles sont très souvent drôles, parfois légèrement choquantes et quelques fois attendrissantes. Ainsi, des sujets de toute sortes sont abordés ; certains sont délicats (comme les réactions face à l’homosexualité, le racisme ou encore le suicide) ; et d’autres complètements liés à l’intimité familiale d’Esther. J’ai trouvé particulièrement intéressant le fait qu’Esther revienne sur des jugements faits à la va-vite pour suivre ses camarades et finit par remettre en question des actes et des paroles sans réflexion.

Le monde d’Esther, sa famille, son école et ses vacances m’ont rappelés ma propre enfance. Avec ses belles découvertes, ses questions perpétuelles mais aussi ses plus ou moins grandes méchancetés. En effet, les « jolies petites têtes blondes » font parfois preuves de cruauté et ce n’est pas omis du témoignage! Et la petite héroïne de ce livre ne fait pas exception à la règle. Ainsi, elle est souvent superficielle et égoïste. Cependant, cela ne m’a pas empêché de m’attacher à elle. J’ai même réellement apprécié ce côté. On y retrouve l’enfance en entier, les belles choses autant que les petites erreurs auxquelles l’ignorance peut mener. Mais, le jugement et le cynisme n’est pas de mise dans le ton de Sattouf et ces erreurs sont toujours mises en avant avec légèreté et sans défaitisme, ce que je salue.

Les dessins sont assez simples. Beaucoup de textes les accompagnent et on se concentre sur les paroles simples d’Esther. La façon de parler de la petite fille m’a beaucoup fait pensé au petit Nicolas, et cela m’a beaucoup fait sourire. Cette bande dessinée se dévore avec facilité et avec un véritable plaisir.

L&C